vendredi, mars 29, 2024

Irène Ekouta, écrivaine camerounaise « je voudrais être lue partout… »

Dans cette interview, Irène Ekouta , journaliste et écrivaine camerounaise revient sur sa carrière d’écrivaine , donne ses impressions sur la littérature africaine ainsi que le Prix Goncourt

Qui est Irène Ekouta ?

Je suis une écrivaine camerounaise de 31 ans qui rêve d’être lue dans le monde entier, de traverser les générations et les époques avec mes œuvres, pour leur côté atemporel et profondément humain.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Bien sûr ! Je suis diplômée de journalisme. Après avoir travaillé au sein de diverses rédactions au Cameroun, j’ai récemment entrepris une reconversion.

Aujourd’hui, je travaille comme consultante sur les questions de communication auprès d’institutions qui sollicitent mes modestes connaissances. L’avantage est que je dispose de mon emploi de temps et puis mieux me consacrer à ma passion pour l’écriture que lorsque j’étais salariée.

D’où vous est venue cette passion pour l’écriture ?

Je pense qu’elle est venue de la lecture. Petite, je lisais les livres de mes aînés.es sans toujours en cerner le sens ou les messages.

Mais, j’ai compris la puissance des mots vers mes 9-10 ans, lorsque j’ai lu « Black boy » de Richard Wright. C’était la première fois qu’un livre me fasse pleurer. Cette œuvre m’a marquée au fer rouge, la preuve j’en parle encore aujourd’hui.

J’avais l’impression que Richard m’entraînait dans ses angoisses, ses traumatismes, ses misères.

C’était incroyable l’intimité que m’évoquait la narration de ce livre.

D’un autre côté, étant une enfant timide, j’avais du mal à m’exprimer en public. Le silence était donc ma maison et l’écriture son décor.

Au fil des années, j’ai réussi à me convaincre que je disais mieux les choses en les écrivant et voilà où on en est aujourd’hui.

Quelles sont vos œuvres phares ?

Oh, ce serait prétentieux de parler d’œuvre phare, je n’en suis encore qu’à mes débuts.

Dans quelques années, je pourrai répondre à cette question avec plus d’assurance et, peut-être de crédibilité (rires). Ceci dit, je suis auteure de deux ouvrages.

Le premier est une nouvelle intitulée « D’amour et de glace » (2017, Edilivre) qui traite de la complexité des rapports entre une mère célibataire et sa fille.

Le texte se déroule tout en soliloques pour mettre en lumière les intériorités des personnages et les dégâts que l’absence de communication peut causer dans une relation aussi évidente que celle qui unit une mère à sa fille. Le second et dernier ouvrage est intitulé « Mes confessions anonymes ».

Pouvez-vous nous parler votre dernier ouvrage ?

Dans «Mes confessions anonymes », je partage l’expérience d’une relation toxique. J’en décris les travers, en m’appuyant sur ma propre histoire tout au long du récit.

Les notions de dépendance affective, de perversion narcissique, les tabous sur le mariage y sont mis en relief pour questionner ce qui est admis comme normes sociales.
L’ ouvrage a été publié en février 2020 en autoédition et fait son bonhomme de chemin. Je suis d’ailleurs très surprise de l’impact qu’il a.

Honnêtement je ne m’attendais pas à ce qu’autant de personnes s’identifient à mon histoire. C’est triste de le dire, mais il y a peut-être plus de blessés.es de guerre autour de nous qu’on le croit.

Comment se porte le milieu de la littérature africaine selon vous ?

La littérature africaine- si par littérature africaine on entend production littéraire africaine- est très prometteuse.

Je pense que les auteurs.es africains.es s’inscrivent dans le narratif de leur histoire, de leur contexte avec le regard de leur temps. Personne ne viendra raconter nos histoires.

La vie est un roman écrit dans le vent pour certains et inscrit en noir sur des pages blanches pour d’autres. La poésie est partout. Il faut simplement la saisir. Pour ce qui est du milieu, il est clair qu’il y a beaucoup de travail à faire pour structurer le milieu littéraire africain pour que la légitimité ne vienne plus seulement d’ailleurs. L’Afrique doit elle-même porter ses écrivains.es au firmament.

D’autre part, ne nous leurrons pas ! Très peu d’écrivains.es peuvent prétendre vivre de leur art sur le continent. D’où la nécessité de professionnaliser véritablement le secteur. Toutefois, je suis positive. Je crois très fort que les choses finiront par bouger grâce aux efforts de tous les acteurs de la chaîne littéraire sur le continent.

Quelle est votre impression par rapport au prix Goncourt qui vient d’atterrir pour la première fois en Afrique subsaharienne ?

D’abord, le Goncourt des lycéens 2020 est remporté par la Camerounaise Djaïli Amadou Amal. Ensuite, en 2021, le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr est sacré Prix Goncourt.

Ne pas y voir un heureux signal pour les jeunes écrivains.es que nous sommes serait pure hypocrisie. Il est clair que leurs consécrations respectives braquent les projecteurs sur le continent.

Il y a forcément moins d’idées reçues sur le potentiel littéraire africain. Peut-être même que le reste du monde perçoit désormais l’Afrique comme un marché.

Selon vous, qu’est ce qui freine les écrivains africains pour accéder à certaines distinctions mondiales ?

Je n’en sais rien. Si leur but en tant qu’écrivains.es est de gagner des distinctions, c’est à eux de poser la question. Je pense modestement que la littérature est avant tout un refuge.

Elle est aussi une passerelle entre les mondes, un véhicule d’idéologie, un doigt d’honneur à certains dictats, une quête de liberté ou de libération. Au final, qu’est-ce qu’on cherche lorsqu’on on écrit ? Contre quoi essaie-t-on de se rebeller quand on trempe sa plume dans les cavités les plus secrètes de son être? Personnellement, le jour que je pourrai répondre à ces questions, j’arrêterai d’écrire…

Quelles sont vos perspectives ?

Continuer d’écrire, de publier et de toucher les gens. Et comme je l’ai dit plus haut, je voudrais être lue partout.

Quel message pour les jeunes africains qui veulent se lancer dans la littérature ?
Ecrivez ce qui vous donne envie. Restez fidèles à votre vision et à vos valeurs. Soyez authentiques. Plus important, LISEZ !

Propos recueillis par Ndeye Maguette Kebe

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