Les chiffres de féminicides et d’agressions restent élevés en Tunisie, mettant en évidence les lacunes d’une application encore partielle de la législation.
La Tunisie, souvent saluée comme pionnière en matière de droits des femmes dans le monde arabe, continue de faire face à une vague persistante de violences sexistes. Malgré la loi organique n°58-2017, adoptée en août 2017 et entrée en vigueur début 2018, les ONG locales et internationales rapportent une hausse préoccupante des actes de violence, allant du harcèlement aux féminicides.
Selon le dernier rapport du Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme (CREDIF), publié en juin 2025, près de 75 % des femmes tunisiennes ont subi au moins une forme de violence au cours de leur vie. En 2024, 27 féminicides ont été officiellement recensés, contre 22 en 2023, tandis que les agressions physiques et psychologiques sont en nette augmentation.
Les associations féminines, telles que l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) et le Réseau Nada, dénoncent l’inaction de certains parquets, le manque de formation des agents de police, ainsi que l’absence de centres d’accueil dans plusieurs gouvernorats. « Une loi progressiste ne suffit pas si les moyens humains et financiers n’accompagnent pas son application », déclare Nadia Chaabane, militante et ancienne députée.
Le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées a annoncé, pour sa part, un plan de renforcement de la couverture nationale en centres d’écoute et d’hébergement. Un nouveau partenariat avec l’Union européenne prévoit un appui budgétaire de 12 millions d’euros sur la période 2025–2028.
Cependant, les experts insistent sur la nécessité d’un changement culturel profond. « La loi est un premier pas, mais c’est la transformation des mentalités qui fera reculer la violence », affirme la sociologue Rachida Tlili.
Alors que la Tunisie entre dans une nouvelle phase politique, plusieurs candidates aux élections municipales prévues en novembre 2025 placent la lutte contre les violences de genre au cœur de leur programme, espérant faire de la cause des femmes un enjeu transversal.