Par Ndeye Khady Totem Ndiaye
L’ouverture de la COP30 du 10 novembre 2025 à Belém, au Brésil, intervient dans un contexte sous lequel les enjeux de genre prennent une place croissante dans les débats climatiques. En Afrique de l’Ouest francophone, la prise en compte du genre évolue, mais demeure marquée par de fortes disparités entre discours, capacités institutionnelles et financements disponibles. Cet article analyse les progrès réalisés, les défis persistants, et propose des pistes concrètes pour renforcer l’égalité de genre dans les politiques climatiques régionales.
Depuis plusieurs années, les COP intègrent davantage la question du genre : plateformes, événements et engagements politiques se multiplient. Cependant, en Afrique de l’Ouest francophone, cette reconnaissance internationale ne se traduit pas toujours par des mécanismes nationaux solides. Les plans climat, notamment les Plans Nationaux d’Adaptation (NAP) ou les Contributions Déterminées au niveau National (CDN), intègrent parfois le genre sans outils de suivi ni budget dédié. Le résultat est souvent une « intégration de façade », qui affaiblit l’impact réel sur les femmes, en particulier les plus vulnérables : femmes rurales, transformatrices, éleveuses, pêcheuses, jeunes femmes et femmes déplacées.
Les organisations féminines et les coalitions de jeunes femmes sont aujourd’hui plus présentes dans les espaces régionaux et internationaux. Leur plaidoyer porte sur la justice climatique, le foncier, la sécurité alimentaire et l’accès au financement.
Toutefois, l’un des obstacles majeurs reste l’insuffisance de données fiables pour mesurer l’impact différencié du changement climatique sur les femmes. Sans ces données, il est difficile de définir des priorités fondées sur des preuves et de suivre les progrès réalisés.
Malgré un engagement réel au niveau communautaire, la présence des femmes dans les délégations officielles, les instances de décision ou les organes techniques reste faible. Normes sociales, manque de financement et faible représentation dans les secteurs techniques (environnement, climat, énergie) freinent leur participation.
Les crises sécuritaires au Sahel, les déplacements, la précarité économique et les chocs climatiques se conjuguent pour réduire davantage la résilience des femmes. Cela appelle à une approche intégrée combinant adaptation climatique, protection sociale et autonomisation économique.
Néanmoins plusieurs guides et outils internationaux pour intégrer le genre dans les NAP sont disponibles, mais leur appropriation institutionnelle et leur adaptation aux contextes restent souvent limitées en raison de faibles capacités techniques ou d’un manque d’accompagnement méthodologique et de suivi.
Une budgétisation sensible au genre obligatoire pour une meilleure action transformatrice : chaque programme ou projet climatique national doit inclure une analyse genre, des indicateurs spécifiques et un budget dédié, pour rapprocher engagement et mise en œuvre.
Ainsi en renforçant les données sexospécifiques à travers :
Financer des enquêtes nationales, développer des observatoires genre-climat fonctionnels et intégrer des indicateurs dans les systèmes de suivi des NDC/NAP.
Financer directement les organisations locales de femmes, renforcer leurs expertises et accompagner leurs participations aux conférences et espaces techniques.
Créer des guichets simplifiés et flexibles pour soutenir des initiatives locales : agroécologie féminine, gestion communautaire des ressources, adaptation basée sur les savoirs locaux.
Accroître la participation des femmes aux négociations et organes climatiques
Ces données sexospécifiques facilitera la conception des programmes intégrés en alliant sécurité alimentaire, autonomisation économique, emploi vert, protection et adaptation, par exemple : irrigation sensible au genre, accès des femmes à la terre et aux technologies agricoles, filets sociaux climato-résilients adaptés aux besoins des femmes. Il faut aussi renforcer la redevabilité en exigeant des rapports publics annuels sur les dépenses sensibles au genre, les résultats et les bénéficiaires effectifs, et promouvoir les audits participatifs.
La COP30 représente une véritable opportunité pour repositionner les femmes comme actrices clés de l’adaptation climatique en Afrique de l’Ouest francophone. Si des progrès sont perceptibles, ils restent insuffisants face à l’ampleur des défis environnementaux, sociaux et économiques. Il est urgent de transformer les bonnes intentions en actions concrètes, en alliant données fiables, financements adaptés, participation accrue des femmes, outils techniques performants et mécanismes de transparence renforcés.
L’intégration du genre ne doit plus être un simple ajout aux politiques climatiques, mais un pilier fondamental d’une transition climatique juste et équitable, garantissant des solutions durables pour toutes et tous. C’est en consolidant cette dynamique inclusive que la région pourra bâtir des politiques résilientes, innovantes et véritablement transformantes, capables de répondre aux besoins spécifiques des femmes et des communautés vulnérables.
Auteur : Ndeye Khady Totem Ndiaye, Consultante en Genre, Leadership des Jeunes et des Femmes, Climat & Peacebuilding, et Fondatrice de Together Smile

